Dernièrement, plusieurs médias ont fait rebondir en manchettes le constat pour le moins alarmiste que d’ici dix ou quinze ans, la moitié des emplois actuels auraient disparus. Grey et Osborne, des chercheurs de l’université d’Oxford avaient commencé à sonner l’alarme en 2013, comme suite à une analyse des changements technologiques et à leur impact sur le marché du travail. Dans le contexte de la quatrième révolution industrielle, ils avaient conclu que près de la moitié des emplois pourraient disparaître, à moyen terme. Dans la même perspective, l’étude de Labour Market Solutions, une firme de la Colombie-Britannique vient d’annoncer que l’automatisation menacerait 42% des emplois au Canada, d’ici vingt ans.

Ces annonces font des vagues mais d’autres experts ont exprimé leur désaccord, et non pas les moindres. L’OCDE, à l’international et Brookfield Institute,au Canada ont soutenu des positions beaucoup plus nuancées. Certes, l’intelligence artificielle, l’automatisation, les objets connectés et les robots occuperont une place très importante dans les activités du futur. L’organisation du travail et les emplois vont assurément se transformer. Déjà, les tableaux électroniques remplacent des humains pour les commandes de restauration rapide. Les manutentionnaires sont de plus en plus rares dans les entrepôts de distribution alimentaire. Des robots font office de pharmaciens dans quelques hôpitaux américains. Bref, les technologies transforment les emplois 2mais pas aussi radicalement qu’on ne pourrait le croire. Ici, les nuances sont importantes. La seule région métropolitaine de Montréal compte 2 millions d’emplois. Imaginons que si la théorie des chercheurs s’appliquait intégralement, on compterait d’ici vingt ans,1 million de chômeurs de plus, ce qui constituerait une catastrophe économique et sociale.

En réalité, à cause de la réglementation, des attentes des clients, des procédures et de la structure des organisations, le changement ne peut être aussi radical. À l’époque où l’on a introduit des moissonneuses batteuses pour récolter le blé dans les champs, les gains de productivité étaient majeurs. Selon Robert J. Gordon de l’université Northwestern, la situation n’est plus la même et la croissance de la productivité sera loin d’être aussi forte. (voir:«The Rise and Fall of Amercian Growth»). L’adoption des technologies sera influencée par plusieurs facteurs et ne sera plus aussi linéaire dans les prochaines années qu’à l’ère de la première révolution industrielle.

Plutôt que d’annoncer la disparition de la moitié des emplois, on pourrait affirmer que d’ici une dizaine d’années, les technologies entraîneront des changements dans les pratiques de la moitié des professions exercés aujourd’hui. Il faudra donc des formations d’appoint ou de spécialisation pour maintenir son emploi et garder son expertise à jour. Les tâches hautement répétitives seront remplacées par des machines mais, dans un contexte de rareté de main d’oeuvre, est-ce véritablement un enjeu?